Un autre exemple de la façon dont l’islam respecte la dignité humaine est l’histoire suivante, relative au traitement qu’accordaient les premiers califes de l’islam aux non-musulmans. Amr ibn al-As était gouverneur d’Égypte. Un jour, un de ses fils frappa à coups de fouet à un copte chrétien en lui disant : « Je suis le fils d’un noble! ». Le copte alla voir Omar ibn al-Khattab, le calife musulman de l’époque, qui habitait à Médine, et se plaignit à lui. Anas ibn Malik, qui avait été le serviteur du Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui), rapporte l’histoire comme suit :
« Nous étions assis en compagnie d’Omar ibn al-Khattab lorsqu’un Égyptien entra et dit : « Chef des croyants, je viens à toi en tant que réfugié. » Omar l’interrogea sur ce qui l’amenait et il répondit qu’Amr avait pour habitude de laisser ses chevaux courir librement, en Égypte. « Un jour où je montais ma jument, je passai près d’un groupe de gens, qui me regarda. Mohammed, le fils d’Amr, se leva et se dirigea vers moi, en disant : « Je jure par le Seigneur de la Ka’aba que cette jument est la mienne! ». Je lui répondis : « Je jure par le Seigneur de la Ka’aba que cette jument est plutôt la mienne! » Il s’approcha de moi et se mit à me battre avec son fouet en disant : « Et bien prends-la, car je suis le fils d’un noble! » (prétendant ainsi être plus généreux que lui). L’incident vint aux oreilles d’Amr qui, craignant que je vienne te voir, me fit mettre en prison. Je m’échappai et me voici devant toi. »
Anas poursuit :
« Je jure par Allah que l’unique réponse d’Omar fut de dire à l’Égyptien de s’asseoir. Puis, il écrivit une lettre à Amr, dans laquelle il lui dit : « Lorsque tu recevras cette lettre, viens me voir avec ton fils Mohammed. » Puis, il dit à l’Égyptien de rester à Médine jusqu’à ce qu’Amr arrive avec son fils. Quand Amr reçut la lettre, il appela son fils et lui demanda : « As-tu commis un crime? » Son fils répondit par la négative. Amr lui demanda : « Alors pourquoi Omar m’écrit-il à ton sujet? » Et ils partirent tous deux vers Médine. »
Anas poursuit ainsi l’histoire:
« Je jure par Allah que nous étions assis en compagnie d’Omar quand Amr arriva, vêtu de façon très simple. Omar chercha son fils du regard et le vit qui se tenait derrière son père afin de ne pas se faire remarquer. Omar demanda : « Où est l’Égyptien? », et ce dernier répondit : « Me voici! ». Omar dit à ce dernier : « Voici le fouet : prends-le et frappe le fils du gouverneur avec. » Il le prit et en frappa vigoureusement le fils, tandis qu’Omar répétait « bats le fils du gouverneur! ». Personne ne l’arrêta jusqu’à ce que tous soient satisfaits et considèrent qu’il l’avait suffisamment battu. Alors Omar dit : « Maintenant, prends le fouet et frappe mon crâne chauve avec. Car ce qui t’est arrivé, c’est à cause de mon pouvoir sur vous. » L’Égyptien répondit : « Je suis satisfait et ma colère s’est apaisée. » Omar lui dit : « Si tu avais choisi de me frapper, je ne t’aurais pas arrêté et t’aurais laissé faire jusqu’à ce que tu sois satisfait. Et toi, Amr, depuis quand as-tu fait de ton peuple tes esclaves? Ils sont pourtant nés libres. » Amr se confondit en excuses et dit : « Je n’étais pas au courant de ce qui était arrivé. » Alors Omar se tourna vers l’Égyptien et lui dit : « Tu peux t’en retourner, et sois bien guidé. Si quoi que ce soit de fâcheux t’arrive, écris-moi. »[1]
Tel était Omar qui, lorsqu’il avait été élu calife, avait dit : « Les faibles deviendront forts, car je serai toujours de leur côté pour défendre leurs droits. Et les puissants deviendront faibles, car je leur enlèverai ce qu’ils ne possèdent pas de plein droit. » L’histoire se souvient de lui comme d’un dirigeant juste à cause du traitement équitable dont il faisait preuve envers les opprimés, sans égard à leur statut social, et à cause de sa fermeté contre les oppresseurs, sans égard à leur rang.
« La valeur de cette histoire est qu’elle nous fait comprendre à quel point les gens, à cette époque, avaient le sens de l’humanité et de la dignité, sous le règne de l’islam. Même un coup injuste était désapprouvé et méprisé. Plusieurs incidents injustes similaires à cette histoire eurent lieu à l’époque de l’empire byzantin, mais nul ne se donna la peine de les dénoncer. Mais sous la protection de l’État musulman, nous venons de voir l’exemple d’une personne opprimée ayant une telle conviction de sa dignité et de ses droits qu’elle décida d’endurer les difficultés et les privations d’un long voyage, entre l’Égypte et Médine, à cause de la certitude qu’elle avait de trouver quelqu’un qui prendrait sa plainte en considération. »[2]
- Tantawi, Ali, ‘The History Of Umar,’ p. 155-156
- Qaradawi, Yusuf, ‘Ghayr al-Muslimeen fil-Mujtama’ al-Islami’ p. 30-31